David Lauriston a du mal à se bâtir une réputation au sein du monde privilégié qu’est le système juridique d’Édimbourg. Ses origines modestes sont un obstacle en soi, sans parler de sa décision récente de défendre un groupe de tisserands accusés de trahison, ce qui entraîne la rumeur qu’il pourrait appartenir au parti radical. La dernière chose dont il ait besoin, c’est d’aider le frère de l’un des tisserands à retrouver l’agent du gouvernement qui a causé la ruine de sa famille.

Ce n’est pas bien mieux, niveau personnel. Tourmenté par ses désirs interdits envers les hommes, et les souvenirs douloureux de l’ami d’enfance qu’il aimait à l’époque, David fait de son mieux pour vivre en célibataire endurci, et se blâme à chaque fois que sa résolution faillit.

Jusqu’au jour où lord Murdo Balfour entre dans son monde bien rangé de pulsions réprimées.

Cynique, hédoniste et parfaitement dépourvu de tous remords, Murdo ne pourrait pas être plus différent de David.

Mon avis :

Écrire que j’ai été emballée par cette histoire serait en dessous des émotions que j’ai ressenties, en découvrant ce premier tome de cette série. J’ai dévoré cette histoire en trois heures. C’est aussi en lisant ce genre d’intrigues que l’on pense que la romance historique gay a de belles heures devant elle, tant on s’éloigne des récits redondants classiques : l’interdit déjà, nos héros risquant non seulement leur réputation mais aussi prison, déportation ou mort s’ils venaient à être découverts. Et si les femmes ne peuvent être que des jeunes filles sans ressources ou riches à marier, les jeunes hommes pauvres ont des occupations, professions qui offrent de multiples pistes à l’imagination d’un auteur. Et ici, l’idée est formidablement exploitée. David est un jeune avocat idéaliste, qui sort à peine de sa condition de fils de métayer et se retrouve propulsé dans la bourgeoisie d’Édimbourg en 1820. L’Écosse est tenue d’une main de fer par le gouvernement et l’aristocratie de Londres qui refusent toute contestation qui pourrait amener à une révolution…

J’ai vraiment adoré ce ton tragique. Entre David qui vit son homosexualité comme un péché mortel et qui tente malgré tout d’être un honnête homme, et le cynique aristocrate Murdo qui lui n’a aucun scrupule à vouloir aménager son existence selon ses désirs dans une apparente bienséance, on se demande qui va séduire l’autre. On sent que Joanna Chambers a certainement lu « les grandes espérances » de Dickens tant il y a du Pip chez David. « Provocation » est en effet également une sorte d’apprentissage de la vie. David est un jeune homme doux mais obstiné, droit mais qui va être obligé de nuancer ses jugements et ses choix. La relation « déchirante » et bouillonnante de colère et de désir entre les deux hommes est d’une intensité remarquable. Le contexte est parfaitement mis en place dès la première longue scène qui place immédiatement notre jeune héros dans ce monde violent, sombre et injuste. Joanna Chambers réussit parfaitement à l’aide de quelques personnages qui interviennent ici et là, à décrire cette société corrompue par les riches où les pauvres sont laissés de côté…

Au vu de la fin plus qu’ouverte… il faut bien évidemment enchaîner sur le deuxième tome, et je vais m’y précipiter ! Et de nouveau, me voici avec un nouvel auteur pour moi à suivre… Je rajouterai que je salue une traduction élégante et soignée d’une très grande qualité. C’est en effet un roman extrêmement bien écrit.

Ma note : 4,8 / 5